Le 1er avril, le Migrant Rights Network, un groupe d’organismes pancanadien qui défend les droits de la main-d’œuvre étrangère, a écrit une lettre aux fonctionnaires les exhortant à mettre en place des lignes directrices visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs étranger·ère·s vulnérables. La lettre précise : « Le refus d’imposer ces changements entraînera de terribles conséquences pour la santé publique et constituera un affront catastrophique à l’égard des droits de la personne. »
Selon un rapport récent de la Migrant Workers Alliance for Change (MWAC), le Migrant Rights Network a envoyé plusieurs autres lettres aux autorités provinciales et fédérale dans lesquelles il énonçait les préoccupations des travailleurs vulnérables. Ces lettres demeurent sans réponse. Depuis, trois ouvriers travaillant sur ferme en Ontario, Bonifacio Eugenio Romero, Rogelio Muñoz Santos et Juan López Chaparro, ont succombé à la COVID-19.
Les travailleurs étranger·ère·s temporaires dénoncent depuis plusieurs années les mauvais traitements qui leurs sont infligés de même que les maigres revenus qu’on leur verse. Cependant, les organismes de défense ont compris à l’annonce des fermetures attribuables à la COVID-19 que les conditions se détérioreraient. Jusqu’à présent, au moins 17 flambées ont été rapportées sur des fermes partout au pays et un minimum de 600 travailleu·r·se·s ont obtenu un résultat positif.
Même si on tient peut-être pas compte des travailleu·r·se·s étranger·ère·s comme faisant partie de la main-d’oeuvre canadienne, ceux-ci représentent en fait environ 40 % du personnel agricole en Ontario et près du tiers de l’effectif agricole au Québec, en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse d’après des données de 2017. Les travailleurs migrant·e·s constituent un élément important de l’économie canadienne et leur apport s’est avéré essentiel à l’approvisionnement alimentaire de lors de la pandémie.
Or, malgré cette réalité, ces personnes ne jouissent toujours d’une protection adéquate. Entre la mi-mars et la mi-mai, la MWAC a reçu plus de mille plaintes déposées au nom de travailleurs provenant de partout au pays. Ces plaintes déploraient notamment des pertes de revenus, des mauvaises conditions de logement et des actes d’intimidation perpétrés par des employeurs.
Le rapport de la MWAC fait état des pratiques d’exploitation d’employeurs et du contrôle anémique du gouvernement dont les travailleu·r·se·s migrants sont victimes. En vertu des nouveaux règlements, les travailleurs devaient se mettre en quarantaine dès leur arrivée Canada dans un logement que l’employeur·se leur fournissait, en plus de toucher une rémunération équivalant à 30 heures de travail par semaine.
Toutefois, plusieurs travailleurs dénonçaient le surpeuplement des logements, le manque d’accès à des installations d’assainissement et la quantité de nourriture insuffisante offerte par l’insuffisante pour subvenir aux besoins de tous les employés. Des centaines de travailleurs ont aussi signalé ne pas avoir reçu une rémunération conforme aux lignes directrices du gouvernement pendant la période de quarantaine obligatoire. Ensuite, lorsque le travail a repris, les conditions de surpeuplement sur lieux de travail jumelées à un accès difficile aux services de soins de santé ont accru le risque des travailleu·r·se·s de contracter la COVID-19.
Ces personnes se trouvaient dans une situation précaire étant donné que d’une part, elles craignaient de tomber malades et que d’autre part, elles redoutaient les représailles de leur employeurs. Le rapport de la MWAC énonce : « Les travailleurs migrant·e·s des fermes possèdent des permis de travail qui les contraignent à la leur employeur. En d’autres termes, les travailleurs qui s’indignent ou qui signalent tout acte répréhensible peuvent aisément faire l’objet d’un congédiement, d’une déportation en plus de se voir interdire de revenir ultérieurement travailler au Canada. » « Concrètement, les travailleurs ne disposent d’aucun recours pour protester contre les conditions de travail et de logement. »
D’ailleurs, l’exemple le plus connu de ces inégalités est celui de l’usine de transformation de la viande de Cargill à High River en Alberta. Étant donné qu’elle recensait plus de 1 500 cas, dont 900 d’entre eux étaient des travailleu·r·se·s, cette usine est devenue le site de l’une des plus grandes flambées de COVID-19 en Amérique du Nord.
La plupart des travailleu·r·se·s à cette usine sont des immigrants ou des travailleurs étrangers temporaires et leur statut, à l’instar de leurs pairs oeuvrant dans les champs, les vignobles et les serres au Canada, est tributaire de leur emploi.
Cette précarité conjuguée aux pressions économiques accroît la vulnérabilité des travailleu·r·se·s aux pratiques d’exploitation de leur employeur. Une enquête menée par la CBC a révélé que les ouvriers de l’usine de Cargill ont été contraints de travailler dans des espaces restreints et parfois même des conditions dangereuses et que certains d’entre eux ont subi des pressions pour reprendre leur poste après avoir contracté la COVID-19.
En effet, deux semaines et un jour après le décès d’un membre du personnel ayant travaillé à l’usine de Cargill depuis 23 ans, Hiep Bui, l’usine a rouvert ses portes et a repris ses activités, faisant fi des préoccupations des travailleurs et des représentants syndicaux qui craignaient une autre flambée et qui demandaient à ce que les conditions de travail soient adaptées en conséquence.
Au moment où la nouvelle de la flambée à Cargill se répandait, les travailleu·r·se·s philippin·e·s, qui représentent environ 70 % de l’effectif de l’usine, ont signalé avoir été ciblés en ligne par des résidents qui les accusaient d’avoir transmis le virus en Alberta. Certaines de ces personnes ont rapporté avoir été chassées de banques et d’épiceries parce qu’elles travaillent à l’usine.
Les gens s’inquiètent davantage des répercussions des problèmes d’approvisionnement alimentaire découlant de flambées dans les usines d’emballage de viande et les fermes sur les consommateurs canadiens que des conséquences sur les travailleurs qui veillent à l’approvisionnement des épiceries. Qui plus est, on traite les nouveaux immigrants à faible revenu et les travailleurs migrants comme des biens jetables, bien qu’ils occupent des « emplois essentiels » au Canada et on ne leur accorde pas le même accès aux services.
Sans l’application de mesures de protection strictes, ces travailleu·r·se·s demeureront à la merci des employeurs qui les contraindront à travailler dans des conditions dangereuses. Le rapport de la MWAC cite un travailleur étranger de la Jamaïque : « On nous traite comme des machines. Nous voulons seulement qu’ils nous considèrent comme des êtres humains. »
Le 17 mars, l’Organisation internationale pour les migrations et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a annoncé qu’en raison de la pandémie de la COVID-19, tous les déplacements liés à la réinstallation des réfugiés seraient suspendus, notamment pour les réfugiés parrainés par le gouvernement et ceux parrainés par le secteur privé du Canada.
La suspension de la réinstallation, ainsi que les directives de rester chez soi et les fermetures des frontières ont d’importantes conséquences pour les réfugiés qui, par définition, ont été contraints de quitter leur pays d’origine pour trouver la sécurité. Pour de nombreux réfugiés qui vivent depuis des années dans des camps ou dans des centres urbains, la réinstallation est un outil indispensable qui permet aux familles et aux personnes de retrouver une certaine stabilité dans leur nouveau pays. Le Canada, un chef de file mondial dans le domaine de la réinstallation, avait l’intention d’accueillir plus de 30 000 réfugiés en 2020. Toutefois, depuis le début de l’année, ce sont moins de 10 000 réfugiés qui ont été réinstallés dans le monde.
Bien que certains médias de droite laissent entendre que les réfugiés constituent un fardeau économique trop important, les recherches indiquent que les pays ont tendance à bénéficier de retombées économiques une fois que les réfugiés sont réinstallés. Par ailleurs, le Canada pourrait ne pas respecter ses obligations internationales si le pays refoule les demandeurs d’asile qui arrivent à la frontière en quête de sécurité.
Les premières politiques mises en œuvre pour endiguer la pandémie interdisaient l’entrée à tous les demandeurs d’asile qui tentaient de venir au Canada, mais une politique plus récente prévoit certaines exceptions : certains demandeurs d’asile peuvent entrer au Canada à partir des États-Unis en passant par les postes frontaliers officiels et à condition d’être mis en quarantaine pendant 14 jours dans les chambres d’hôtel réservées par l’Agence des services frontaliers du Canada. Cette exemption s’applique seulement dans certains cas, par exemple lorsque les demandeurs ont de la famille proche au Canada ou s’ils font face à la peine de mort dans leur pays d’origine.
Avant le début de la pandémie, les demandeurs d’asile pouvaient également entrer au Canada en empruntant des passages non autorisés, comme celui du chemin Roxham entre le Québec et l’état de New York et présenter une demande d’asile une fois au Canada. Maintenant, les réfugiés qui empruntent ces passages non autorisés sont refoulés aux États-Unis où ils risquent d’être renvoyés dans leur pays d’origine.
Le Conseil canadien pour les réfugiés a jugé cette nouvelle interdiction à la fois « dommageable et inutile ». Pour sa part, Amnesty International a déclaré que cette mesure allait à l’encontre des droits des réfugiés demandant l’asile et a rappelé les obligations du Canada en vertu de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés. Certains défenseurs des droits ont même soutenu que le gouvernement canadien pouvait s’exposer à des poursuites juridiques pour ne pas avoir respecté le principe de « non-refoulement », selon lequel les réfugiés ne peuvent pas être renvoyés dans un pays où ils feront face à la persécution ou à la torture.
Le révérend Scott Jones, directeur général de la Micah House, un centre d’accueil pour réfugiés à Hamilton en Ontario, affirme avoir remarqué une réduction notable du nombre de demandes reçues par son organisme, ce nombre passant de quelque 60 à 70 demandes pendant un mois normal à moins de 10 demandes depuis que la pandémie a commencé. La Micah House accueille des réfugiés et des demandeurs d’asile pour de courts séjours et les aide à se réinstaller, en plus d’avoir accès aux autres services.
Même les services pour les réfugiés et les demandeurs d’asile qui sont déjà au Canada ont été restreints. Le gouvernement canadien a demandé aux fournisseurs de services de réinstallation de « se concentrer sur les services d’établissement et de réinstallation essentiels » seulement. Par ailleurs, les rendez-vous en personne auprès de la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié du Canada, commission d’examen qui évalue les demandes de résidence permanente de certains réfugiés, ont été temporairement suspendus.
Pour l’instant, les clients de la Micah House sont dans l’impasse, alors que de nombreux services de réinstallation, comme le début de la scolarité et l’accès au logement, ne sont pas disponibles. Jusqu’ici du moins, ils ont réussi à rester en bonne santé. Alors que la COVID-19 a atteint plus de 600 personnes à Hamilton, la Micah House a réussi à éviter tout cas positif dans son établissement. Les réfugiés d’autres centres n’ont pas eu cette chance.
Le Centre Willowdale Bienvenue de Toronto est l’établissement qui a connu la plus importante éclosion de COVID-19 dans le système de refuges de la ville, qui compte 72 autres établissements. Selon le rapport du Toronto Star, plus d’une douzaine de membres du personnel et 185 clients de Willowdale ont été testés positifs à la COVID-19. Jusqu’à présent, aucun décès lié au coronavirus n’a été signalé.
En plus des effets de la COVID-19 sur la santé, les réfugiés du Canada doivent composer avec les effets psychologiques de l’isolement. Dans un nouveau pays, parfois sans même parler le français ou l’anglais, loin de leurs réseaux de soutien et souvent après avoir vécu un traumatisme important, les réfugiés sont déjà dans une situation vulnérable. Ajoutez à cela les mesures de confinement et l’isolement dans un milieu qu’ils ne connaissent pas bien, les effets peuvent être plus graves encore.
« Je sais qu’au moins plusieurs de nos clients souffrent assez considérablement de cette situation. Ils sont déjà confrontés aux barrières linguistiques et culturelles et ils ne peuvent pas communiquer avec leur famille » mentionne M. Jones. « Pour eux, c’est un problème de plus ».
Le Canada a non seulement la responsabilité juridique et morale d’aider ces groupes de personnes, mais il devrait également en tirer le bénéfice. Contrairement à certains discours de droite qui considèrent les réfugiés comme un fardeau économique, les recherches démontrent que les nouveaux arrivants représentent en fait un avantage net positif sur le plan économique.
Une étude récente qui a suivi des nouveaux arrivants dans 15 pays d’Europe occidentale pendant 30 ans a révélé que l’intensification de l’immigration « augmentait de façon significative le PIB par habitant, réduisait le chômage et améliorait l’équilibre des finances publiques » et que « les dépenses publiques supplémentaires, généralement considérées comme le « fardeau des réfugiés » étaient largement compensées par l’augmentation des recettes fiscales ».
Jones explique que « les nouveaux arrivants au Canada sont plus susceptibles de travailler dans les services essentiels, en particulier pendant les premières années qui suivent leur arrivée au pays, ce qui les expose davantage aux risques liés à la COVID-19. « Ils travaillent dans les abattoirs, dans les champs, dans les serres, ils sont chauffeurs de taxi ou occupent d’autres postes similaires. Il s’agit d’un groupe de personnes encore plus susceptibles d’être marginalisées », précise-t-il.
À mesure que la pandémie progresse, le Canada a l’occasion de consacrer davantage de ressources à ce groupe défavorisé et de respecter ses obligations internationales. D’ici là, la situation des réfugiés à l’échelle mondiale demeure incertaine : l’ONU a déclaré qu’elle lèvera les restrictions de déplacements liés à la réinstallation, « dès que la situation et les moyens logistiques le permettront ». Pour l’heure, aucun plan n’a encore été annoncé.
La main-d’œuvre en santé du Canada a été frappée de plein fouet par la pandémie : plus de 3 600 travailleurs de la santé ont été testés positifs jusqu’à maintenant. Très tôt, l’on savait que la COVID-19 exercerait une forte pression sur le système de santé, ce qui a forcé les décideur·euse·s à envisager de nouvelles mesures pour accroître leurs effectifs médicaux. L’une de ces mesures a été l’introduction d’un certificat permettant aux médecins formés à l’étranger, mais ne possédant pas de permis d’exercer au Canada, de pouvoir pratiquer temporairement en Ontario sous certaines conditions strictes.
Cette nouvelle politique autorisant d’exercer de façon temporaire sur obtention du permis temporaire de pratique permet à l’Ontario de piger dans le bassin de diplômés internationaux·ales en médecine (DIM), qui, dans bien des cas, ne sont actuellement pas autorisé·e·s à travailler dans leur domaine. (Les DIM comprennent également les citoyens canadiens qui ont étudié à l’étranger.) Une mesure semblable prise en Colombie-Britannique permet aux médecins formés à l’étranger de pratiquer pendant la pandémie.
Or, ces nouvelles mesures mettent en lumière les difficultés auxquelles font face depuis belle lurette les médecins formés à l’étranger lorsqu’il·elle·s tentent d’obtenir leur permis en règle pour exercer au Canada. En Ontario seulement, on compte 13 000 médecins formés à l’étranger qui sont actuellement incapables de travailler dans leur domaine, selon les statistiques de ProfessionsSantéOntario. Ces nouvelles mesures visent à utiliser le potentiel inexploité de ces DIM, mais elles soulèvent également la question : pourquoi le Canada n’avait-il pas déjà embauché cette main-d’œuvre?
Pour qu’un·e DIM obtienne sont plein droit de pratique en Ontario, il ou elle doit avoir obtenu son diplôme d’études en médecine dans l’une des universités reconnues dans le World Directory of Medical Schools, passer une série d’examens écrits et pratiques, puis faire sa résidence complète. Les diplômés canadiens aussi doivent passer par un processus semblable, mais il s’avère que les DIM se butent parfois à de plus nombreux obstacles sur leur chemin.
L’un des principaux obstacles que rencontrent les DIM se dresse lors de la phase de résidence. Les provinces réservent un nombre limité de places de résidence pour les DIM – bien moindre que le nombre de demandes – ce qui crée un engorgement de postulant·e·s qualifié·e·s et rend difficile le passage à l’étape suivante dans le processus de qualification au permis de pratique.
« Je comprends que le système de santé investisse dans nos diplômés canadiens », indique Deidre Lake, directrice générale de l’Alberta International Medical Graduates Association (AIMGA). « Mais ces DIM arrivent au pays avec une formation et une expérience que nous n’avons même pas payée et en ce sens, c’est vraiment une économie… Malgré tout, nous leur réservons un nombre limité seulement de places ».
« Je crois qu’il faut maintenant nous poser la question : Les places de résidence ne devraient-elles pas revenir aux personnes qui apporteront la plus grande contribution et les DIM ne devraient-ils pas avoir une chance équitable de faire une demande de résidence, au même titre qu’un diplômé canadien? »
Même après la pandémie, le Canada pourrait régler le problème de manque de médecins en exploitant cette réserve de diplômé·e·s internationaux·ales en médecine, qui n’attendent que de pouvoir aller sur le terrain. Le Canada figure actuellement au 25e rang parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour le ratio de médecins dans la population, soit 2,8 médecins pour 1000 habitants. L’Autriche, qui arrive au premier rang, détient presque le double, soit 5,2 médecins pour 1 000 habitants.
Le Canada a également des temps d’attente plus longs pour les rendez-vous avec un spécialiste et à l’urgence comparativement aux autres pays industrialisés, et accuse une pénurie de médecins de famille dans certaines provinces, ce qui pourrait s’expliquer par le manque de médecins, selon un rapport de 2018 de l’Institut Fraser.
La tendance actuelle indique que nous verrons « une faible augmentation du ratio médecin-population » seulement, entre maintenant et 2030. Or, si l’on tient compte du taux actuel d’intégration des DIM dans le système de santé, « le ratio n’augmentera que de 2,74 par millier d’habitants en 2015 à 2,97 en 2030 », une faible augmentation, indique le rapport.
En plus des problèmes relatifs aux politiques, il semble exister des préjugés défavorables envers les DIM, ce qui pourrait aussi constituer un obstacle à celles et ceux qui souhaitent pratiquer au Canada. Une étude publiée dans le journal médical Le médecin de famille canadien révèle que même si les DIM immigrants avaient en général plus d’années de formation et d’expérience clinique, « une proportion relativement plus élevée de DIM canadiens » réussissaient à obtenir une place pour leur résidence.
Qui plus est, le nombre limité de DIM immigrant·e·s qui finissent par être acceptés dans les programmes de résidence sont plus susceptibles de vivre de la discrimination sur la base de leur origine que leurs pairs canadiens. Une étude de 2011 sur les comportements discriminatoires subis par les résidents en médecine de famille en Alberta a révélé qu’« une proportion considérablement plus grande de DIM immigrants ont perçu que leur origine ethnique, leur culture ou leur langue » était la cause de la discrimination qu’ils et elles vivaient, la plupart du temps sous forme de « commentaires verbaux inappropriés ».
Tout semble donc indiquer que les DIM rencontrent des embûches en raison de leur origine ou du pays où elles et ils ont étudié. Or, il appert qu’une diversité d’expérience dans le système de santé aurait de nombreux effets positifs. De fait, des DIM ont su exploiter leurs compétences interculturelles et multilingues pendant la pandémie de COVID-19, y compris parmi celles et ceux qui n’ont pas obtenu leur permis temporaire. L’AIMGA a rassemblé des vidéos, de la documentation écrite et des séances d’information virtuelles sur la COVID-19, traduites dans plusieurs langues par un groupe diversifié de plus de 1000 membres provenant de plus de 80 pays.
L’Association a aussi aidé les services de santé de l’Alberta en rassemblant 500 travailleur·euse·s d’une usine d’emballage de viande aux prises avec une éclosion de COVID-19 pour leur transmettre plus d’information concernant le virus. Du personnel, 60 % étaient des travailleur·euse·s des Philippines; ces personnes ont reçu l’information grâce à 4 membres philippin·e·s de l’AIMGA, qui ont pu leur expliquer dans leur langue maternelle les risques et les symptômes associés à la COVID-19.
« Les bénévoles se sont porté·e·s volontaires pour cette tâche, parce que la médecine et le désir d’aider les autres sont leur passion, explique Deidre Lake, particulièrement en temps de crise sanitaire. C’est difficile à ignorer ». « C’est vraiment préjudiciable pour les personnes, la communauté et la société lorsque l’on a des gens hautement qualifiés qui ne peuvent mettre à profit leurs compétences et leurs connaissances », déplore-t-elle.
Maintenant, est-il juste de demander aux DIM de se mettre en danger pendant une pandémie sans leur permettre de pratiquer à long terme? En Ontario, 76 médecins ont contracté la COVID-19 jusqu’à maintenant et le système de santé de la province continue de composer avec des centaines de nouveaux cas par jour; la pression sur les médecins de l’Ontario devrait donc s’accentuer encore.
Entre-temps, un nombre important de DIM – dont certains sont spécialisés ou ont une expérience de terrain pertinente en contexte pandémique, par exemple en ventilation ou en maladies infectieuses – languissent, sans emploi ou sous-employés.
« Nous avons des membres qui travaillent comme chauffeurs pour Uber, qui travaillent comme préposés aux bénéficiaires ou comme agents de sécurité… Ce n’est certainement pas ce que ces gens avaient en tête lorsqu’elles et ils ont choisi d’immigrer au Canada », s’attriste Mme Lake. « Ça brise vraiment le cœur de voir notre pays laisser de côté toutes ces compétences et cette expérience ».
Toute personne cherchant à mieux comprendre la pandémie de COVID-19 sait qu’il peut être difficile d’accéder à des informations fiables dans un paysage informationnel miné de mésinformation et de désinformation, de mythes, et de théories du complot.
Afin de répondre aux tendances inquiétantes ayant fait surface en ligne, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a lancé un avertissement concernant le phénomène d’infodémie, qu’elle définit comme étant « une surabondance d’informations, de véracité variable, qui entrave la capacité de la population à trouver des sources et des conseils fiables lorsqu’elle en a besoin. »
Une grande partie de la désinformation et des théories du complot liées à la COVID-19 qui se propagent en ligne reposent sur des sentiments antichinois et racistes. Un rapport récent du Institute for Strategic Dialogue (« Institut pour un dialogue stratégique » ou ISD) a constaté que la COVID-19 est un « outil puissant de propagande » permettant aux groupes d’extrême droite de radicaliser davantage leurs abonnés Facebook, Twitter, et YouTube.
Selon l’ISD, l’un des moyens de contrecarrer la désinformation est « [d’]inonder l’espace informationnel d’informations exactes fondées sur des faits, dans des formats facilement assimilables. »
Il est essentiel d’avoir des reportages et une vérification des faits assidus afin de freiner la mésinformation et la désinformation. Ainsi, l’Institut pour la citoyenneté canadienne s’est allié au projet Walrus Fact-Checking (« projet de vérification des faits du Walrus ») afin d’aider à réfuter les fausses allégations liées à la COVID-19. Voici deux allégations fortement répandues qui, selon nos vérificateurs de faits, manquent de preuves et sont fondées sur la xénophobie.
L’un des mythes les plus populaires — récemment repris par le secrétaire d’État Mike Pompeo et par le président Donald Trump — veut que le virus causant la COVID-19 ait été créé de manière délibérée dans un laboratoire de Wuhan. Dans son enquête, Walrus Fact-Checking n’a trouvé aucune preuve soutenant cette allégation :
« Une équipe de chercheurs a analysé la séquence du génome du virus et a conclu, dans sa recherche publiée dans Nature Medicine, que “le SRAS-CoV-2 [le nouveau coronavirus] n’a pas été créé en laboratoire et n’est pas un virus manipulé délibérément.”
Selon l’étude, les génomes du virus montrent des signes de sélection naturelle, ce qui veut dire qu’il a évolué de manières imprévues et complètement différentes des virus dont disposent les laboratoires. »
Il existe également d’autres théories quant à l’origine du virus — notamment que le virus aurait fui d’un laboratoire accidentellement, ou qu’il proviendrait du Marché aux fruits de mer de Huanan. Toutefois, les scientifiques ne savent toujours pas de manière certaine où la transmission initiale d’un animal à un humain a pu avoir lieu.
Bien que certains éléments de preuve démontrent un lien entre plusieurs cas du nouveau coronavirus et l’emplacement du marché, d’autres données suggèrent que les tout premiers cas du virus n’avaient pas de lien connu avec le marché. Malheureusement, plutôt que de se s’appuyer sur les faits disponibles, une grande partie de la discussion à propos de l’origine du virus sert à alimenter la discrimination. Certains usagers de médias sociaux favorisent la théorie selon laquelle le virus proviendrait d’un marché humide, encourageant ainsi des préjugés contre la nourriture et la culture chinoises.
« L’éclosion du virus a eu un effet déshumanisant, » a écrit Jenny Zhang sur le site d’alimentation Eater, « ravivant de vieilles idées racistes et xénophobes dépeignant les Chinois comme “autres” non civilisés et barbares. »
Depuis l’éclosion du virus, d’innombrables attaques antichinoises ont été enregistrées à travers le monde : la propriété d’une famille de Perth, en Australie fut vandalisée avec un graffiti disant « virus get out » (« hors d’ici virus »); le journal français le Courrier picard a publié un article qui avait comme titre « Alerte jaune »; et à Vancouver, un homme asiatique âgé a été poussé au sol à l’extérieur d’un dépanneur par un attaquant qui lui criait également des insultes raciales tout en faisant référence à la COVID-19.
Ces actes racistes trouvent également écho dans une demande marquée pour des mesures politiques visant les voyageurs chinois. Un autre article de Walrus Fact-Checking a analysé une allégation affirmant qu’une interdiction de voyager imposée à la Chine aurait pu protéger le Canada de la COVID-19, et a conclu que très peu d’éléments supportaient cette hypothèse :
« Tel que révélé par des recherches sur le VIH/SIDA, l’Ebola, la grippe, et le H1N1, non seulement les interdictions ciblées discriminent-elles en fonction de l’origine nationale des voyageurs, mais les restrictions de voyage qui visent un pays en particulier ne pas très efficaces en général […] Think Global Health a comparé le nombre de cas présents dans les pays qui avaient mis en place des interdictions de voyager contre la Chine avec ceux où des restrictions n’avaient pas été appliquées, et a conclu que ce genre d’interdiction ne semble pas affecter la propagation du virus. »
Le fait de sauter à des conclusions xénophobes sans se questionner sur leur fondement factuel est l’une des caractéristiques de l’infodémie, et il faut que les décideurs politiques, les médias, et le public s’efforcent de combattre ce problème.
Comme l’a écrit Scott Radnitz dans The Guardian, bien qu’il y ait des parallèles à dresser entre infodémie et pandémie, les deux phénomènes n’opèrent pas de la même manière. Par exemple, il est plus facile de répandre de fausses informations qu’un virus, grâce entre autres aux médias sociaux, qui permettent une transmission d’idées sans contact physique. Et, contrairement aux personnes ayant contracté la COVID-19, la mésinformation n’est pas toujours propagée par des « intermédiaires passifs ». Par exemple, il existe des extrémistes et des groupes haineux qui la propagent afin de semer la peur, la panique, et la haine. Toutefois, la transmission de mythes et de mésinformation peut être freinée et, si les bonnes informations sont aussi largement distribuées, cette transmission peut être inversée.
Auteur: Sejla Rizvic
La pandémie de COVID-19 nous a contraints à adopter un nouveau glossaire terminologique qui n’était pas connu de tous. Les masques N95, l’intubation et le R0 (nombre utilisé pour décrire le taux de propagation d’une maladie) font maintenant partie du discours populaire, mais certains termes demeurent ambigus pour plusieurs — comme la différence précise entre « auto-isolement » et « quarantaine ». Tout ce nouveau vocabulaire peut engendrer de l’incertitude et de la désinformation à un moment où un langage clair est primordial.
Pour compliquer encore plus les choses, le virus est connu sous diverses appellations, dont « coronavirus » (catégorie générale à laquelle le virus appartient), « COVID-19 » (nom de la maladie causée par le virus), et « SRAS-CoV-2 » (nom de la souche virale actuelle).
Les experts affirment que lorsqu’une confusion linguistique accompagne l’anxiété quotidienne causée par une pandémie mondiale, un environnement où la mésinformation se prolifère est apte à se développer. Cela peut être une menace pour la santé publique pour plusieurs raisons, incluant le potentiel de discrimination et de racisme.
Par exemple, des termes comme « virus de Wuhan » ou « virus chinois », repris par les médias de droite et employés jusqu’à tout récemment par le président des États-Unis, Donald Trump, alimentent un racisme antichinois et anti-asiatique déjà répandu dans le cadre de cette pandémie.
En février dernier, la Asian American Journalists Association (Association des journalistes américains d’origine asiatique) publiait la recommandation suivante : « Nous exhortons les journalistes à se montrer prudents dans leur couverture de l’éclosion de la maladie à coronavirus en Chine afin d’assurer une représentation juste et exacte des Asiatiques et des Américains d’origine asiatique, afin d’éviter d’alimenter la xénophobie et le racisme. » Les lignes directrices de l’association conseillaient de ne pas utiliser de photos montrant des personnes asiatiques portant des masques ou des images génériques de quartiers chinois pour illustrer des articles sans également fournir un contexte adéquat, puisqu’une telle utilisation serait apte à stigmatiser davantage ces communautés. L’association mettait également les journalistes en garde contre l’emploi de termes tels que « coronavirus chinois » et « virus de Wuhan », un vocable qui laisse entendre un lien entre le virus et un lieu géographique — une supposition qui est à la fois dommageable et inexacte, selon les experts.
« Ce terme obscurcit plus qu’il ne clarifie », dit Gregory Trevors, qui étudie la mésinformation et est professeur adjoint en psychologie de l’éducation à la University of South Carolina. « La plupart des cas du virus sont situés à l’extérieur de Wuhan, et le virus n’a rien d’intrinsèquement “chinois” », explique-t-il. « Ce n’est donc pas un terme utile. »
Il existe plusieurs exemples passés de noms qui stigmatisaient certaines communautés et favorisaient la circulation de fausses informations sur l’origine et la transmission de maladies. Une éclosion de hantavirus, identifiée après la mort d’un homme navajo en 1993, fut connue par la suite sous le nom de « maladie navajo »; l’Ebola, un virus nommé d’après une rivière située près de la région où il fut découvert, a engendré d’innombrables incidents racistes contre les Ouest-Africains en 2014; et la maladie que nous appelons maintenant le SIDA fut à une époque appelée GRID, un acronyme qui signifie « Gay-related immunodeficiency » (« immunodéficience liée à l’homosexualité »). De tels noms risquent d’entraîner des mesures politiques moins efficaces, d’alimenter les attaques xénophobes et la discrimination, et de contribuer à une mésinformation publique généralisée.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dispose de directives pour nommer les nouveaux virus depuis au moins 2015. Elle recommande de ne pas utiliser de lieux géographiques ni d’autres facteurs susceptibles d’induire en erreur ou qui pourraient encourager toute discrimination. Le processus formel d’appellation de maladies peut toutefois être difficile, et lorsque certains noms entrent dans le langage populaire, il est difficile de les changer.
Selon Trevors, cette tendance à accepter des informations stigmatisantes provenant de sources douteuses est liée à nos émotions et au processus décisionnel lorsque l’on se retrouve dans une situation incertaine. « Face à la peur et à l’anxiété, nous recherchons la certitude. Nous n’aimons pas cet état d’incertitude, » dit-il. « Nous essayons de trouver ce qui nous procurera un sentiment de sécurité.
« Sans une certaine connaissance de la théorie germinale des maladies infectieuses, on peut être porté à s’accrocher aux informations qui nous donnent un sentiment de contrôle, et à se dire que ce savoir nous protégera. »
Un rapport récent de l’OMS fait écho à cette théorie, liant la stigmatisation rattachée à la maladie à coronavirus à trois facteurs : les caractéristiques nouvelles et inconnues de la maladie, notre peur de l’inconnu, et la tendance à « associer cette peur à un “autre” ».
Malheureusement, cette manière de penser tend à produire des conclusions dangereuses et inexactes, et nous éloigne des efforts coopératifs mondiaux et communautaires qui sont essentiels dans un contexte de crise.
« Cela est dommageable, mine la coopération et mine l’idée que nous avons tous un objectif et des intérêts partagés dans cette situation, » dit Trevors. « Chaque fois que nous employons un langage qui sème la discorde, notre capacité à répondre de manière efficace est compromise. »
Tandis que le vocabulaire lié à la maladie à coronavirus continue de changer, un mouvement concerté vers une terminologie précise, compatissante, et qui résiste à la mésinterprétation peut avoir un impact profond. Lors d’une conférence de presse le 20 mars dernier, Maria Van Kerkhove, une épidémiologiste travaillant pour l’OMS, a expliqué pourquoi l’organisation utiliserait dorénavant le terme « distanciation physique » plutôt que « distanciation sociale ».
« La distanciation sociale entre personnes afin de prévenir la transmission du virus est absolument essentielle. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il faut se déconnecter de nos proches et de notre famille », a-t-elle déclaré. En temps de crise, la cohésion sociale et le soutien social sont essentiels pour promouvoir la santé publique.
Par Sejla Rizvic
Étant donné l’impossibilité de se rassembler en personne pour 6 Degrees Montréal, nous avons fait appel à deux écrivains remarquables—Jessikka Aro et Cory Doctorow—afin qu’ils discutent des défis posés par la désinformation et de l’importance de la résilience sociétale.
Aro est une journaliste finlandaise, spécialiste en guerre de l’information. Doctorow est un écrivain et militant britanno-canadien. Au cours de leur conversation variée, ils ont discuté de la « crise épistémologique » à laquelle nous faisons face, des manières dont les spécialistes en désinformation profitent du fait que l’occident favorise actuellement l’avancement de la littératie médiatique, de la montée des géants du numérique, et de la difficulté de définir, d’aborder, et d’éliminer les discours haineux en ligne.
Cette conversation a été modifiée pour des raisons de clarté et de longueur.
6 Degrees : Jessikka, pouvez-vous commencer en partageant quelques réflexions sur votre travail et votre expérience, et ensuite poursuivre avec Cory?
Jessikka Aro : En 2014, j’ai commencé à enquêter sur les trolls russes, et plus particulièrement sur l’impact qu’ils avaient sur les citoyens. J’ai vite compris que Facebook, Twitter et YouTube permettaient toute cette guerre de l’information, cette propagande et cette désinformation financée par l’État. Malheureusement, Facebook, Twitter et YouTube ont été très naïfs, voire négligents, à cet égard. Ces entreprises se soucient davantage de leurs résultats financiers que de notre sécurité. Selon moi, c’est une question de droits des consommateurs. En tant que consommateurs, en tant qu’utilisateurs de ces produits, nous devrions pouvoir consommer un contenu sûr. Et à l’heure actuelle, le contenu n’est pas sûr.
Cory Doctorow : Lorsqu’il est question de désinformation, on met beaucoup l’accent sur le fait que les gens ne s’entendent pas sur ce qui est vrai, et on ne parle pas assez de comment les gens arrivent à savoir que quelque chose est vrai. C’est-à-dire que l’on surthéorise les divergences de croyances et l’on sous-théorise les divergences épistémologiques. Et je crois que si l’on veut en arriver à comprendre la désinformation et pourquoi elle est si efficace en ce moment, il nous faut examiner la crise épistémologique actuelle, l’ascension constante des géants numériques, et ce qui permet cette montée, c’est-à-dire l’ascension constante de monopoles et d’inégalités.
Dans une société technologique complexe, je ne crois pas qu’il est possible pour des individus d’évaluer la validité de toute l’information qu’ils rencontrent. Historiquement, lorsqu’il était question de littératie médiatique, il s’agissait de faire ses devoirs, de se demander en quoi l’auteur pouvait tirer profit, se renseigner sur ses sources, puis déterminer si ce que l’auteur affirmait était vrai.
Danah Boyd a expliqué comment ce principe de base en littératie médiatique est extrêmement facile à utiliser à des fins destructrices. Il est important de « faire ses devoirs », mais je crois qu’au lieu de rendre des sujets techniques plus lisibles pour les profanes—et nous sommes tous profanes au-delà de nos domaines d’expertise respectifs—il faut continuer d’avoir des processus lisibles afin de mieux parcourir toute cette complexité. Cela implique des experts qui présentent différents points de vue, évaluent les affirmations faites, révèlent les conflits d’intérêts, et réévaluent l’information selon de nouvelles preuves. Voilà comment nous en sommes toujours venus à savoir les choses : à travers un processus valide. Ce que nous vivons depuis 40 ans, c’est une délégitimation du processus, et c’est ce qui a jeté les bases pour cette croyance en divers complots.
C’est l’effondrement de cette confiance qu’exploitent les campagnes de désinformation, et bien qu’il faut trouver des moyens d’empêcher les gens de croire en ces faussetés, il faut aussi rassurer les gens—avec des actions qui obligent ces puissances à être plus pluralistes et responsables et en phase avec la vérité—que les conclusions que nous tirons de notre quête de la vérité sont effectivement vraies. Et ainsi, le public pourra se fier à des comptes rendus officiels—qu’il s’agisse de conseils sur la vaccination ou sur l’économie—plutôt que d’avoir tout ce culte de la personnalité, où l’on en vient à croire une personne qui semble savoir de quoi elle parle au lieu de se fier aux experts.
JA : Au cours de mon enquête, j’ai parlé à des Finlandais ordinaires qui avaient changé leurs idées, attitudes ou comportements après avoir été affectés par des trolls russes avec de faux profils, et par des blogues pro-Kremlin. Au beau milieu de cette crise de santé mondiale, nous constatons actuellement que la Russie propage de plus en plus de théories du complot à propos du coronavirus. Par exemple, que les États-Unis ont créé ce virus, ou encore que le virus sert à attaquer la Chine. L’occident s’efforce de freiner la propagation de ce virus, et pendant ce temps la Russie nous attaque avec des trolls.
CD : Ça, c’est la Russie, en somme. Je suis issu d’une famille de réfugiés soviétiques, et je ne suis nullement un apologiste des violations des droits de l’homme ni de la corruption de l’État russe. Nous pouvons faire certaines choses pour contrôler les activités néfastes de la Russie, mais nous devrions vraiment travailler à accroître notre résilience.
La Russie est un état défaillant, désespéré, et chancelant : son taux de mortalité est en hausse, sa productivité est en baisse; c’est le chaos.
JA : Et c’est notre voisin, en plus!
CD : Effectivement. Alors, si cet État pétrolier désespéré et en pleine décrépitude, avec son président franchement pas très brillant qui arrive malgré tout à diriger le pays en terrorisant son peuple ou en luttant avec des ours, si ce pays parvient à avoir un impact aussi disproportionné sur le reste du monde, il faut se soucier non seulement de ce type-là, mais aussi se dire que ça en dit long sur notre manque de résilience. Quel a été l’impact de 10 ans d’austérité dans la zone euro sur la confiance que les gens accordent à leurs institutions? Les gens croient à des choses terribles de concert avec les choses terribles qui se passent dans leurs vies, et les gens cessent de croire à leurs institutions lorsque ces institutions les laissent tomber.
JA : Vous parliez de cette distinction entre le vrai et le faux—c’est l’un des aspects de la désinformation. Selon mon expérience, les manifestations les plus nocives d’infoguerre sont des actes criminels : menaces illégales, diffamation, incitation à la haine contre des minorités. Voilà quelques-uns des outils dans l’arsenal des services de sécurité russes. Je comprends qu’il peut être difficile pour les géants des médias sociaux de décider s’ils devraient laisser les gens propager des théories du complot, mais ne pourraient-ils pas au moins empêcher ces actes criminels?
CD : Patrick Ball, du Human Rights Data Analysis Group (Groupe d’analyse des données pour les droits de la personne), a travaillé de près avec les yézidis lors du génocide de leur communauté, et l’une des choses que les yézidis faisaient était de publier des vidéos avec des témoignages des attaques, et des preuves vidéo de celles-ci. Elles furent supprimées pour cause de contenu extrémiste violent. Alors, comment peut-on obtenir justice pour les victimes des actes criminels les plus violents qui soient? Si l’on se soucie de l’incitation à la violence provoquée par les propos haineux, il faut également se soucier de la violence comme telle.
JA : Je suis d’accord jusqu’à un certain point sur la manière et la difficulté de définir les discours haineux. C’est souvent très difficile, même pour les modérateurs bien éduqués qui gèrent les sections de commentaires sur les sites Web des médias traditionnels. Le langage, c’est beau et éloquent, et on peut faire des choses merveilleuses ou horribles avec. Mais alors, il y a certains trucs que Facebook et d’autres entreprises laissent se faufiler qui n’ont rien de sorcier. Comme des groupes qui harcèlent, attaquent et traquent des individus, et fantasment sur la mort de ceux-ci. Il y a des utilisateurs qui signalent ces groupes, et je suis même allée au siège social de Facebook à Silicon Valley pour les signaler en personne, mais les groupes en question existent toujours.
CD : Je n’utilise pas Facebook, WhatsApp et Instagram. Je crois que ce sont des forces pour le mal dans le monde.
Ce que vous avez identifié, c’est l’impossibilité d’opérer une plateforme de la taille de Facebook, Google ou Twitter de manière responsable. Si vous avez 2,5 milliards d’utilisateurs et que vous êtes Mark Zuckerberg, il vous faut gérer 25 000 cas sans précédent chaque jour. C’est impossible d’y arriver.
Je pense qu’il faut juste les démanteler. Je crois qu’il faut détruire ces entreprises. Avec le RGPD, on a pu dire : « Si vous voulez recueillir toutes ces données, il vous faut payer plein d’argent pour créer un régime de conformité qui assurera que vous les traiterez de manière responsable. » Puis, un an plus tard, il ne restait plus aucune entreprise de publicité numérique européenne, toutes ces entreprises sont américaines, car elles seules peuvent se permettre ces dépenses. On aurait dû simplement dire : « Ne recueillez pas de données. Aucune collecte de données. Illégal. Et si on vous attrape, on démantèle votre entreprise, on vous colle tellement d’amendes que vous allez faire faillite, et on met vos dirigeants en prison. »
JA : Je suis complètement d’accord. Merci d’avoir abordé ce sujet. Je me demandais pourquoi Facebook et d’autres entreprises n’avaient pas été poursuivies par plein de gens, ou de nations.
En Finlande, la population est plutôt bien éduquée. On a même l’université gratuite. C’est peut-être l’une des raisons pour laquelle nous sommes souvent perçus comme étant une nation résiliente. C’est une philosophie et une politique remarquable. Bien entendu, ce n’est pas possible partout, mais c’est une source de résilience efficace. Cette résilience vient de cette capacité d’interpréter les médias et Internet de manière critique, à reconnaître les fausses nouvelles et les erreurs d’argumentation, c’est la base de ce que l’on enseigne dans les écoles finlandaises. Nous devons également avoir des options de réglementation, pas seulement dans l’Union européenne, mais aussi en Amérique du Nord, là où ces entreprises peuvent être soumises à un certain pouvoir de réglementation.
Et, bien entendu, il y a des efforts bénévoles—comme des journalistes qui font le tour des écoles et forment des enfants gratuitement. Mais je me demande vraiment pourquoi il n’y a pas d’actions citoyennes contre ces géants des médias sociaux; contre leur tyrannie, en somme. Je ne comprends pas pourquoi tant de consommateurs sont prêts à accepter tout cela comme étant une nouvelle norme et une nouvelle réalité. L’enquête de Robert Mueller sur l’ingérence russe dans le processus électoral des États-Unis a révélé que 126 millions d’Américains avaient été affectés par des trolls russes avant les élections. En tant que gouvernement, ne voudriez-vous pas protéger vos citoyens?
Il y a plusieurs manières pour les gouvernements, les plateformes numériques, et les citoyen·ne·s d’aborder et de mitiger la désinformation, tout en bâtissant leur résilience à celle-ci. Vous pouvez en apprendre plus sur le Projet pour la résilience citoyenne ici, et jeter un coup d’œil à des entrevues avec la philosophe suédoise Åsa Wikforss, et avec des membres du mouvement mondial de rétablissement des faits.
En ces temps difficiles, les communautés se rassemblent pour soutenir leurs membres les plus vulnérables. Malheureusement, certaines communautés deviennent la cible d’attaques haineuses en ligne comme ailleurs.
Nous avons parlé avec Alena Helgeson, fondatrice de #iamhereCanada, de ses efforts pour combattre les informations haineuses, fausses et trompeuses grâce au rétablissement des faits, avons discuté de pandémie de la COVID-19 et de l’impact du contenu numérique sur le monde physique.
Pouvez-vous décrire ce qu’est ce mouvement et pourquoi des groupes en ligne comme #iamhere sont importants?
Rétablir les faits, c’est essentiellement aller sur les plateformes ou dans les sections de commentaires des médias sociaux, et créer un message alternatif. Nous voyons une minorité bruyante qui essaie de perpétuer un message particulier qui n’est pas vrai – désinformation, ou beaucoup de racisme subtil (ou pas si subtil) – donc il est très important de pouvoir rétablir les faits. La majorité silencieuse peut voir [ce message] et peut commencer à équilibrer ce qui pourrait être vrai et ce qui pourrait ne pas l’être. De plus, le rétablissement des faits permet de créer un espace pour que les personnes qui pourraient se sentir réduites au silence ou marginalisées aient cet espace pour partager leurs pensées et leurs points de vue.
J’ai parlé du projet Dangerous Speech de Harvard – ils se concentrent vraiment sur ce qu’est un discours dangereux. Le discours de haine est très subjectif. Ce qui peut être considéré comme un discours de haine pour une personne peut ne pas l’être pour une autre personne.
Le Discours dangereux est tout type d’expression – écrite ou visuelle – qui augmente le risque qu’un groupe en attaque violemment un autre, ou même qu’il soit tolérant à l’égard de la violence. Quand le président Trump parle du « virus chinois », ce n’est pas vraiment un discours de haine, mais c’est dangereux. Ce qu’il fait, c’est inspirer ou activer des groupes de personnes pour qu’ils se lancent dans des attaques anti-asiatiques. Nous l’avons vu avec les musulmans ou les Autochtones – nous voyons des choses qui ne sont pas haineuses, mais qui contribuent à ce que les gens soient plus tolérants vis-à-vis des actes commis contre ces groupes.
C’est pourquoi il est vraiment important de rétablir les faits, pour que ce niveau de tolérance ne change pas, ou pour qu’il n’oscille pas afin que la société accepte les attaques et la haine.
Comment savoir quels sont les plateformes, les articles de presse et les commentaires à prendre en compte?
Dans notre groupe, nous inviterons les gens à rechercher des articles et des sujets chauds par l’entremise des médias sociaux. Chaque jour, un de nos modérateurs passe en revue et analyse les articles d’actualité, et nous recherchons tout ce qui peut être considéré comme un discours dangereux ou haineux, puis nous le publions dans notre groupe et invitons les membres à aller le commenter. Ils relient leurs commentaires au fil de discussion du groupe, afin que nous puissions aller les soutenir.
Pourquoi avez-vous choisi de vous joindre à #iamhere? Est-ce qu’un moment, un commentaire ou un article particulier vous a inspiré?
Il y a quelques années, je parlais à un ami et il a commencé à parler de toutes ces déclarations anti-musulmanes, et de sa peur parce qu’il savait que dès que les musulmans recevraient cet appel de leurs chefs religieux, ils tueraient tous les blancs, y compris lui et ses voisins. Et j’étais vraiment surpris que quelqu’un que je connaissais pense cela. Et puis je me suis dit, s’il pense cela, et qu’il a pu ainsi changer d’état d’esprit, il doit y avoir d’autres Canadiens et Canadiennes qui ressentent la même chose.
J’ai commencé à faire des recherches et je suis tombé sur le mouvement #iamhere, et j’ai rejoint le groupe britannique pour voir comment ils travaillaient et ce qu’ils faisaient. Il y a beaucoup de questions qui sont très universelles, donc j’ai pu interagir avec le groupe.
Et puis l’affaire [le meurtre de] Colten Boushie est arrivée. Et cette tragédie a suscité tellement de haine dans les médias, et sur les médias sociaux, que nous avons pensé qu’il était temps de commencer quelque chose au Canada.
Quels sont les sujets qui suscitent le plus de commentaires problématiques?
Le racisme est partout; l’islamophobie, les questions touchant la communauté LGBTQ2S+ partout dans le monde, le genre, tout ce qui a trait aux femmes. Changement climatique – Greta Thunberg est très ciblée. Il y a tellement de gens de partout qui l’attaquent. Et au Canada et en Australie, tout ce qui a trait aux communautés des Premières nations est toujours très incendiaire.
Et puis récemment, avec la COVID, beaucoup de commentaires anti-asiatiques.
Dans le contexte de la COVID-19, qu’est-ce qui a changé en termes de participation ou de contenu que vous voyez en ligne dans les sections des reportages et des commentaires?
Nous avons remarqué que tout pour ce qui a trait à la COVID – et peut-être est-ce parce que les gens se sentent sursaturés – les degrés de participation ont vraiment chuté. Beaucoup de théories de conspiration dans les commentaires, beaucoup de désinformation, beaucoup de gens qui pensent soudainement qu’ils [sont experts en] virus et en soins de santé. Et, encore une fois, de nombreux commentaires contre les Asiatiques.
Quand vous dites que la participation a chuté, vous faites référence à la participation des membres de #iamhere?
Oui. Au sein du groupe, il y a moins de personnes qui veulent commenter ces publications. Au début, il y avait beaucoup de gens qui osaient se lancer avec des faits réels, et maintenant cela diminue un peu.
Les gens, je pense, sont juste fatigués. Nous avons donc essayé de contrer cela en partageant des histoires vraiment positives des bénévoles, ou des propriétaires d’entreprises qui donnent de la nourriture à des sans-abri, ou des propriétaires qui sortent et achètent de l’épicerie pour leurs résidents âgés.
Que répondez-vous à ceux qui prétendent que ce mouvement ne fait que « nourrir les trolls »?
Nous avons déjà entendu cet argument. Lorsque nous interagissons en ligne, nous nous efforçons de ne pas amorcer de dialogue avec les trolls. On ne voit pas beaucoup de nos membres les contrer directement. Ce que nous faisons, c’est de publier un commentaire autonome, objectif et factuel que les gens pourront alimenter ou auquel ils pourront répondre. Lorsque nous demandons aux membres de faire un commentaire autonome, c’est pour éviter d’alimenter accidentellement le commentaire d’un troll connu ou de quelqu’un qui partage la désinformation, car le fait de le commenter l’amplifie.
De plus, vous n’avez pas toujours besoin de faire un commentaire. Vous pouvez seulement soutenir ceux que nous vous suggérons de soutenir, ou en trouver d’autres qui valent la peine d’être renforcés.
Que diriez-vous aux personnes qui se retirent des espaces en ligne parce qu’elles ont le sentiment d’être ciblées en raison de leur race, de leur appartenance ethnique, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle?
C’est vraiment difficile. La réaction la plus courante est de ne pas vouloir s’engager. Beaucoup de gens se retirent et ne lisent pas les commentaires – c’est un mécanisme d’adaptation – mais leur voix est nécessaire. Nous avons parlé de la diversité du Canada, et nous avons besoin de ces voix diverses. Nous avons besoin de ces voix pour aider à donner le ton et à faire évoluer la conversation. Et ils peuvent nous dire quand ils se sentent attaqués ou visés. Nous sommes 150 000 dans le monde, donc, quand ils ont besoin d’aide, nous pouvons faire appel à ces groupes. Ils ont juste besoin de savoir qu’ils ne sont pas seuls.
Pouvez-vous nous donner un exemple d’une fois où vous avez pu soutenir efficacement quelqu’un en ligne ou contrecarrer un récit incorrect ou problématique?
Les commentaires de Don Cherry, avant Noël, sont un exemple éloquent. Il y a eu beaucoup d’articles – certains soutenant ce que Don Cherry avait dit, d’autres se contentant de rapporter ses paroles. Nous voyions beaucoup de gens dire « eh bien, c’est juste lui, il est comme ça », « il a toujours été comme ça », « you people, ça pourrait être n’importe qui ». Nous avons donc pu nous immiscer dans le débat et comprendre ce que cela signifiait et pourquoi c’était problématique.
Nous essayons de montrer aux gens qu’ils ne sont pas les seuls à s’exprimer contre quelque chose de haineux. C’est l’un des moyens que nous utilisons pour créer un espace où les gens peuvent partager leurs opinions, et cela nous aide également lorsque nous faisons des commentaires, car cela encourage les autres à s’exprimer.
Comment pouvons‑nous agir comme défenseurs les uns des autres sans parler au nom de quelqu’un d’autre?
La dernière chose dont nous avons besoin, ce sont des sauveurs. Je parlais à mon partenaire, qui ne sait jamais comment aider dans ces situations. Il ne veut pas prendre part à ce mouvement et avoir l’air du blanc qui se comporte en superhéros. Je pense qu’il est utile de pouvoir rediriger les voix vers les personnes marginalisées. Si je commente quelque chose qui est anti-asiatique, il peut venir soutenir ou amplifier mon commentaire. C’est l’une des façons d’être un allié, de faire entendre les voix marginalisées et de les soutenir, sans parler en leur nom.
Beaucoup de gens trouvent actuellement qu’ils ont plus de temps libre. Voyez-vous cela comme une opportunité de vous investir davantage dans ce travail?
Je pense que nous sommes dans une période de grand redémarrage. C’est le moment de pouvoir réfléchir à ce que vous voulez faire, et à la façon dont vous vous voyez. Je pense qu’il s’agit de ralentir les gens et de leur donner une chance d’écouter leur cœur.
En ce qui concerne le temps libre, nous savons que les gens sont beaucoup plus spectateurs qu’acteurs en ce moment. Ils pourraient trouver le temps d’être plus militants, s’ils le souhaitent. J’aime à penser que nous serons un monde plus compatissant lorsque nous sortirons de cette situation.
Comment aideriez-vous quelqu’un à considérer le travail avec #iamhere comme du bénévolat, ou de l’activisme – au même titre que de s’impliquer dans sa communauté?
Nous devons insister sur le fait que le travail en ligne est du militantisme. Vous exposez des faits. Nous voyons l’influence de ce qui est dit en ligne lorsque cela se traduit dans la vie réelle. En ligne, vous exposez des faits, vous créez des perspectives sur différents sujets, qu’il s’agisse des peuples autochtones ou des réfugiés, et nous entendons ces choses se répercuter dans les épiceries. Il est très important de s’engager en ligne.
Quelques semaines après sa participation à 6 Degrees Berlin 2020, l’équipe de 6 Degrees a rencontré Åsa Wikforss pour discuter de la désinformation et les fausses nouvelles dans le contexte de la crise de la COVID-19, de son incidence sur l’inclusion, et de la façon dont nous pouvons collectivement contrer les faux récits et la polarisation.
Åsa Wikforss est professeure de philosophie qui fait des recherches à l’intersection de la philosophie de l’esprit, du langage et de l’épistémologie. Grâce à la publication de son livre populaire, Alternative Facts: On Knowledge and its Enemies (pas encore traduit en français), elle est devenue l’une des plus ferventes défenseuses de la raison et de la vérité contre les ennemis de la connaissance. En 2019, elle a été récompensée par un grand programme de recherche interdisciplinaire, « Knowledge Resistance : Causes, Consequences and Cures », financé par la Swedish Foundation for the Humanities and Social Sciences.
Cette entrevue a été modifiée pour des raisons de clarté et de longueur.
6 Degrees : Selon vous, quel est le principal malentendu quand nous parlons de la désinformation ou la définissons?
ÅW : Eh bien, il faut d’abord faire la distinction entre désinformation et mésinformation. En général, la désinformation est plus nuisible parce qu’elle a une fonction de propagande, qu’elle est ciblée – elle est destinée à avoir des effets politiques et à manipuler les émotions d’une manière que la mésinformation ne fait pas. Comme la désinformation est intentionnelle, contrairement à la mésinformation, et qu’elle a pour but d’encourager certaines croyances, elle est généralement plus nuisible.
En matière d’immigration, l’objectif politique est certainement très clair : créer un clivage entre « eux » et « nous », et mettre en avant ce genre de message nationaliste.
L’autre aspect de la désinformation qui mérite notre attention est le fait que ce qu’elle véhicule n’est pas nécessairement faux. Si nous définissons la désinformation simplement comme une information destinée à provoquer de fausses croyances – ce qui est, je pense, une bonne définition – alors vous pouvez désinformer en disant des choses vraies. Vous pouvez faire une sélection de choses qui correspondent à votre récit, en excluant toutes les autres. En ce qui concerne l’immigration en Suède, par exemple, il y a eu un effort très concerté pour créer un faux récit. Dès qu’il se passe quelque chose de mal en rapport avec l’immigration, ils le claironnent encore et encore. Ils utilisent la violence des gangs – qui est un problème de société en Suède – et mettent l’accent sur le rôle des [demandeurs d’asile] pour brosser un tableau de la Suède au bord de l’effondrement.
Ils choisissent leurs faits avec beaucoup de soin, puis disent des choses qui sont en fait vraies, mais le message général est faux. Cela fonctionne assez bien. Mais cela est plus subtil que de carrément dire des faussetés.
Comment vérifier des informations comme celles-ci qui ne sont pas fausses?
C’est exactement la raison pour laquelle ce type de désinformation est beaucoup plus dangereux – vous ne pouvez pas simplement l’identifier comme étant faux. La réponse à ce genre de désinformation est le bon journalisme. Vous complétez les faits manquants et vous apportez la complexité et les nuances qui manquent pour donner une image complète. Le problème est que cela exige un journalisme sérieux pour lequel plus personne n’a de temps ni d’argent. Ce n’est pas non plus aussi passionnant; il est difficile d’obtenir beaucoup de clics en faisant ce genre de journalisme. C’est un type de désinformation qui est dangereux, précisément parce qu’il est difficile de vérifier les faits, et parce qu’en tant qu’êtres humains, nous aimons nous faire raconter des histoires. Alors on se fait avoir.
Cette attirance pour les histoires est-elle liée à nos biais cognitifs? Comment cela nous fait-il tomber dans le piège de la désinformation ou la répandre?
Vous pouvez voir le lien entre les récits et le biais de confirmation, par exemple. Si vous croyez cette histoire selon laquelle la Suède est sur le point de s’effondrer à cause de l’immigration, vous serez enclin à croire les fausses déclarations qui viennent avec, comme les fausses nouvelles sur les immigrants, confirmant l’image que vous avez déjà. De plus, vous serez très attentif aux mauvaises choses qui ont trait à l’immigration et que vous n’auriez peut-être pas vues autrement. Vous êtes à la recherche de preuves qui confirment ce récit que vous avez déjà accepté. Le récit fournit une structure pour vos expériences et les informations qui vous parviennent et les façonne de manière à interagir avec nos préjugés.
Pensez-vous que le fait de prendre conscience de nos biais cognitifs nous aide à les contrecarrer?
Si vous faites référence au biais de confirmation, ça devient intéressant. Ce biais est un mécanisme psychologique inconscient sur lequel nous n’avons pas beaucoup de pouvoir. Tout le monde l’a. Les chercheurs l’ont; ils veulent confirmer leur théorie. Alors pourquoi la recherche fonctionne-t-elle? Cela fonctionne grâce à l’institution. L’institution est créée pour que nous nous examinions, que nous nous interrogions les uns les autres. Il est conçu pour contrecarrer les préjugés et les erreurs. C’est donc la dimension sociale d’institutions bien établies qui permet un raisonnement critique dans un groupe qui nous fait surmonter les préjugés. Nous pouvons contrecarrer les préjugés que nous entretenons au sein d’un groupe.
Cela témoigne de l’importance des institutions et de leur responsabilité.
Les institutions sont la clé de la société démocratique, mais aussi la clé de la science. C’est la clé de toutes les choses auxquelles nous tenons, car, en tant qu’individus, nous sommes assez perdus! Même si nous sommes super intelligents et diligents. Si vous enfermez un scientifique super intelligent, ils vont proposer des théories farfelues, parce qu’il n’y a pas assez de réactions des autres.
Quelles sont donc les stratégies que les institutions peuvent adopter pour contrer la désinformation ou la mésinformation?Ce n’est pas aussi simple que de sortir et de dire aux gens ce qui en est. Nous devrions plutôt sortir et parler de l’institution et de son fonctionnement.
En général, les gens ne savent pas comment les institutions fonctionnent et comment elles arrivent à leurs conclusions. En science, la vérité l’emporte sur le temps. Nous avons des théories, nous faisons des erreurs, mais les choses ont tendance à se corriger d’elles-mêmes, parce que nous avons l’institution. Je pense qu’il en va de même pour le journalisme. Quelle est la différence entre une institution journalistique sérieuse et une plate-forme de propagande, si ce n’est les intentions? La façon dont elles fonctionnent. Ont-elles des vérificateurs de faits, des rédacteurs, des processus d’examens internes? Elles doivent expliquer clairement leur mode de fonctionnement pour qu’on puisse leur faire confiance.
Ce dont vous parlez, c’est de transparence. Cela aurait-il le même effet au sein du gouvernement et de la société civile?
Je pense que la transparence est également essentielle dans ce domaine. Quand nous regardons la situation de la COVID-19, nous constatons que chaque gouvernement a des façons différentes de faire les choses. En Suède, nous avons des politiciens et une autorité sanitaire experte. Les politiciens ne peuvent pas prendre de décisions qui ne soient pas recommandées par l’autorité sanitaire. Ils ne peuvent prendre la décision de fermer toutes les écoles tant que l’autorité sanitaire ne l’a pas ordonné. C’est une sorte de transparence qui m’a fait faire beaucoup plus confiance aux décisions politiques. On pourrait donc penser que la transparence, lorsqu’il s’agit des institutions politiques, pourrait avoir une fonction similaire. Si vous voulez instaurer la confiance, c’est exactement ce qu’il faut faire.
Qu’en est-il des actions individuelles visant à contrer la désinformation et la mésinformation? En particulier dans le contexte de la COVID-19.
Pour ce genre de choses, il faut se tourner vers les sources les plus établies, où il y a une institution qui soutient les informations qui sont diffusées. Ne cherchez pas « Paul ici et Paul là » et sa plateforme, ou tout ce que vous réussissez à trouver. Avec la COVID, tous les scientifiques du monde y travaillent. Et quand il y aura de vraies nouvelles, elles seront connues. Tenez‑vous en aux sources sérieuses et établies, et acceptez l’incertitude. N’échangez pas l’incertitude contre une certaine certitude quant à ce qui est faux.
Considérez-vous que la diffusion de la désinformation et de la mésinformation constitue une menace pour la société civile et la participation civique?
Bien sûr. C’est l’objectif, la plupart du temps. Il existe un certain type de propagande politique dont le but est de dresser un groupe contre un autre. C’est ce que font les Russes en Suède, et aussi aux États-Unis. Ils veulent maximiser la polarisation. Ils lèvent le voile sur des enjeux polarisants, comme l’immigration, et conduisent à la désinformation de telle sorte qu’un côté perçoit l’autre côté comme aliéné. C’est une chose que la désinformation a réussi à faire : donner une image faussée et horrible de l’autre côté. Et, bien sûr, cela affectera la société civile. La désinformation est diffusée sur les médias sociaux, mais elle ne peut pas y être contenue. Elle a également des effets dans la vie réelle.
Dans ce contexte, comment concilier la nécessité de corriger la désinformation et les malentendus avec celle de rassembler les gens par l’entremise de valeurs communes afin de réduire la polarisation?
Cela dépend du contexte. Mais, dans la société, nous devons y faire face. Nous le savons grâce à la recherche sur le féminisme et la micro‑agression, si vous laissez passer cela en public, vous l’approuvez. Ce n’est donc pas vraiment une option. Le défi consiste alors à savoir comment y répondre sans mettre l’autre personne tellement en danger qu’elle ne fera que se retourner contre elle. Si vous regardez les recherches sur la résistance aux faits, il est important de se rappeler qu’il s’agit d’émotions, et non d’un déficit d’information. Il en va de même pour les commentaires haineux, les insultes à caractère racial, ou autres choses de ce genre. Dans le contexte public, il faut s’exprimer, mais de manière à ce que l’autre personne ne se sente pas menacée ou n’ait pas honte, car cela n’aidera pas non plus. Et c’est un équilibre délicat!
Et il y a la question de ce que vous faites en ligne. Êtes-vous obligé de publier ceci ou cela? Ou le faites-vous seulement pour « nourrir les trolls ».
En ligne, c’est plus difficile, les trolls sont souvent affamés. Cela dépend aussi du contexte, et votre message n’aura peut-être pas l’effet escompté, à savoir de faire changer les idées Cela n’arrivera pas.
Laissez-moi vous parler de Mina Dennert et du mouvement #iamhere. Elle regarde ces personnes qui naviguent sur Facebook et, plutôt que de s’attaquer aux personnes haineuses, elle soutient celles qui sont sujettes à leurs commentaires. C’est peut-être le moyen le plus efficace de freiner les gens malveillants Les amener à se poser la question : « Est-ce vraiment de ce côté‑ci que je veux me trouver? Cela fonctionne vraiment bien, et c’est très émouvant à voir.
Et dans la vie réelle, on peut faire quelque chose de similaire. « Nous sommes là, et nous n’allons pas laisser faire ça. »
Il sera intéressant de voir le après‑COVID-19, peut-être que cette crise aura réussi à contrecarrerr la polarisation. En Suède, je le sens déjà un peu, les gens se rassemblent. Je viens de voir des statistiques qui montrent que le parti nationaliste populiste suédois – un parti fasciste, en fait – a été aussi important que les sociaux-démocrates ces derniers temps, mais la semaine dernière, leur soutien a diminué et les sociaux-démocrates ont pris de l’ampleur.
Vous pouvez sentir qu’il y a un mouvement vers le « nous » à nouveau. Nous devons nous rassembler et nous aider mutuellement. Ce genre de crise pourrait donc contrecarrer la polarisation.
Pour en savoir plus sur la mésinformation, la désinformation et la lutte contre les faux témoignages, consultez le site de la CPI Projet pour la résilience citoyenne.
L’élection fédérale du Canada aura lieu le lundi 21 octobre 2019. En tant qu’organisme qui encourage la citoyenneté active, l’Institut pour la citoyenneté canadienne (ICC) est soucieux de s’assurer que tous les Canadiens, en particulier les nouveaux·elles citoyen·ne·s, sont informé·e·s non seulement sur comment exercer son droit de vote, mais également sur ce que les partis politiques ont à proposer au sujet de la citoyenneté et de l’inclusion. Vous trouverez ci-dessous une présentation détaillée de la position des principaux partis politiques sur les questions de l’inclusion, à savoir l’immigration, la citoyenneté, le multiculturalisme et la diversité ainsi que la lutte contre la haine. Cette page présente les engagements du Parti libéral du Canada, dirigé par Justin Trudeau, du Parti conservateur du Canada, dirigé par Andrew Scheer, du NPD, dirigé par Jagmeet Singh, du Parti vert, dirigé par Elizabeth May, du Bloc Québécois, dirigé par Yves-François Blanchet et du Parti populaire du Canada, dirigé par Maxime Bernier.
Pour savoir comment et où voter, consultez notre blogue. Ceux·elles qui ne sont pas encore citoyens canadiens peuvent, malgré tout, participer à un processus de vote parallèle dirigé par des organismes comme CIVIX ou aux Programmes de l’Échange sur l’engagement démocratique.
Pour comprendre les plateformes de chaque parti politique sur diverses questions comme les changements climatiques, le logement, les soins de santé, les impôts et l’éducation, consultez l’analyse de Radio-Canada, mise à jour à mesure que les partis ajoutent des éléments à leur plateforme. L’ICC considère la citoyenneté et l’immigration comme étant des enjeux importants et sait que les électeur·rice·s veulent connaître l’ensemble des engagements des partis avant d’aller aux urnes!
Position des partis en matière d’immigration
Officiellement, le Parti libéral, le Parti conservateur, le Nouveau Parti démocratique et le Parti vert ont tous déclaré qu’ils étaient en faveur de l’immigration économique. Chacun aborde toutefois cette question de façon très différente. Les immigrants économiques représentent déjà quelque 60 % des immigrants au Canada et ils sont évalués sur leurs compétences et leur capacité à contribuer à l’économie canadienne. Cette catégorie d’immigrants ne comprend pas les réfugiés ni les personnes acceptées dans le cadre d’un programme humanitaire, d’un programme de réunification des familles ou de parrainage.
Les partis mentionnés ci-dessus s’entendent sur la nécessité d’améliorer le système de reconnaissance des titres de compétences au Canada, car il constitue un obstacle important à l’emploi pour les immigrants. L’amélioration de ce système permettrait non seulement aux immigrants d’atteindre leur plein potentiel, mais elle permettrait aussi à l’économie canadienne de bénéficier de toutes les compétences et toute l’expérience des immigrants.
Différences : Niveaux d’immigration et priorités
Dans sa plateforme, le Parti libéral s’engage à « continuer d’accueillir plus de gens au Canada en ciblant les travailleurs hautement qualifiés ». Le gouvernement libéral a créé un plan des niveaux d’immigration pour 2018-2021; c’est le premier plan pluriannuel mis au point depuis plus de 15 ans. Selon ce plan, le nombre d’immigrants a atteint 321 045 en 2018, l’objectif étant de 350 000 immigrants. Les Libéraux prévoient mettre sur pied un volet permanent consacré aux réfugiés pour les défenseurs des droits de la personne, les journalistes et les travailleurs humanitaires. Ils établiront aussi un Programme de candidats municipaux « qui permettra à des communautés locales, à des chambres de commerce et à des associations locales de parrainer directement des immigrants permanents ».
La plateforme du Parti conservateur a été publiée tout récemment, soit à peu près deux semaines avant l’élection. Les conservateurs entendent donner priorité à l’immigration économique plutôt qu’humanitaire (de refugiés) ou de réunification familiale, et miseraient sur le parrainage privé plutôt que gouvernemental des réfugiés. M. Scheer s’engage à remanier le programme des réfugiés parrainés par le gouvernement pour cibler spécifiquement les personnes ayant survécu à un génocide, les refugiés LGBTQ+ et les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. La plateforme conservatrice s’engage à aligner l’immigration sur les besoins économiques en matière de main d’œuvre, à augmenter le nombre de points requis pour qualifier au programme Express entrée, à réduire les traversées irrégulières à la frontière, et à négocier une plus grande autonomie pour le Québec en matière d’immigration.
Dans sa plateforme, le NPD s’engage à « s’assurer que nos politiques et niveaux d’immigration répondent aux besoins de main-d’œuvre au Canada et reconnaissent l’expérience la contribution et les liens que les gens ont établis avec le Canada. » Le parti estime que « la réunification des familles doit être une priorité » de la politique d’immigration canadienne et il s’engage à « travailler avec les provinces pour combler les lacunes dans les services d’établissement ». Dans sa plateforme, le NPD promet également de faire en sorte que l’industrie des consultants en immigration soit mieux réglementée. M. Singh a déclaré que le NPD mettra fin au plafond des demandes de parrainage des parents et des grands-parents et qu’il éliminera les frais de demande et d’établissement des immigrants.
Selon sa plateforme, le Parti vert s’engage à « accélérer la réunification familiale, en particulier la réunification des enfants avec leurs parents », à « établir un système équitable » et à attirer des immigrants pour soutenir la population vieillissante du Canada et pour répondre au besoin de main-d’œuvre. Le Parti vert va aussi « instaurer une discussion nationale pour définir le terme “réfugié environnemental”, puis exercer des représentations pour que la définition soit incluse dans nos catégories d’immigration et qu’on accepte au Canada une proportion appropriée des réfugiés environnementaux. » Les Verts veulent éliminer le programme des travailleurs étrangers temporaires, en plus de garantir un meilleur financement pour l’enseignement des langues et pour les services de formation dans les langues officielles du Canada.
Selon sa plateforme, le Bloc Québécois souhaite renforcer l’autonomie du Québec dans sa prise de décision et propose que le choix du nombre d’immigrants et de réfugiés acceptés dans la province revienne à l’Assemblée nationale du Québec plutôt qu’au gouvernement fédéral. Le Bloc Québécois promet d’alléger le traitement des dossiers du programme de travailleurs étrangers temporaires et d’accorder un crédit d’impôt aux diplômés récents et aux immigrants qui acceptent un emploi en région.
Le Parti populaire du Canada s’oppose à « l’immigration massive » et s’engage à réduire le nombre total d’immigrants et de réfugiés pour le faire passer de 350 000 à entre 100 000 et 150 000 par an, un niveau jamais vu depuis 1986. Dans sa plateforme, le Parti populaire indique expressément que l’immigration massive est utilisée par les partis traditionnels comme un moyen d’acheter des voix chez les communautés d’immigrants et ajoute que cela fait gonfler le prix des logements. Il précise que l’immigration « ne devrait pas être utilisée pour modifier de force le caractère culturel et le tissu social de notre pays. Elle ne devrait pas imposer aux Canadiens un fardeau financier excessif dans la poursuite d’objectifs humanitaires. »
Voie vers l’obtention de la citoyenneté
Les Libéraux ont promis d’éliminer les frais de dossier pour les demandes de citoyenneté pour les gens qui satisfont aux exigences requises pour l’obtenir. Actuellement, les frais sont de 530 $, alors qu’ils n’étaient que de 100 $ avant l’arrivée du dernier gouvernement conservateur. Le ministre de l’Immigration, Ahmed D. Hussen a déclaré que son gouvernement « a entendu des groupes provenant de tout le pays… que les frais prohibitifs empêchaient des familles de demander la nationalité canadienne. »
Selon sa plateforme, le Parti vert s’engage à « établir un programme pour traiter les 200 000 dossiers estimés de personnes vivant au Canada sans statut officiel en assurant un canal vers la résidence permanente pour ceux qui se qualifient. » Les Verts souhaitent aussi « s’assurer que les Canadiens déchus de leur citoyenneté à cause de lois archaïques soient protégés et qu’on les rétablisse dans leur citoyenneté. » Par ailleurs, ils s’engagent à « faciliter les processus permettant à des étudiants ou à des travailleurs étrangers d’accéder à la résidence permanente et à la citoyenneté. »
Promotion de la diversité et du multiculturalisme
Les Libéraux mentionnent qu’ils « en feront plus pour encourager la diversité dans les nominations aux agences et organismes fédéraux » et qu’ils « ne nommeront que des juges bilingues à la Cour suprême du Canada. » M. Trudeau est le seul chef de parti qui a dit publiquement qu’il envisagerait contester le projet de loi 21 du Québec, qui interdit à certains fonctionnaires, notamment aux enseignants et aux policiers, de porter des signes religieux.
La plateforme des conservateurs ne contient aucun engagement précis en matière de multiculturalisme ou de diversité. Les Conservateurs ont toutefois indiqué publiquement qu’ils ne contesteraient pas le projet de loi 21 du gouvernement du Québec.
Dans sa plateforme, le Nouveau Parti démocratique prend plusieurs engagements pour lutter contre la discrimination fondée sur la race, le sexe ou l’orientation sexuelle et pour améliorer l’équité. Selon cette plateforme, le NPD va « renforcer les lois sur le travail et assurer l’embauche diversifiée et équitable au sein de la fonction publique fédérale et dans les secteurs sous réglementation fédérale. Les emplois et la formation pour les groupes sous-représentés feront partie intégrante de nos plans d’infrastructures fédérales. » M. Singh appuie l’élargissement de lois linguistiques au Québec, mais il a déclaré publiquement qu’il ne participerait à la contestation du projet de loi 21.
Les Verts mettent l’accent sur la collaboration avec les provinces et les municipalités pour « améliorer l’intégration des nouveaux Canadiens et Canadiennes dans la toile multiculturelle de notre pays. » Dans leur plateforme, ils présentent plusieurs promesses visant à soutenir la diversité et le multiculturalisme, notamment en « aidant les organisations culturelles à obtenir le statut d’organisme de charité. » Ils s’engagent également à encourager « le recours aux accords de retombées locales afin d’accroître l’inclusion économique et les occasions d’affaires pour les communautés de couleur marginalisées. » Mme May a personnellement pris position contre le projet de loi 21 du Québec, mais a toutefois indiqué qu’elle n’exigerait pas l’intervention du gouvernement fédéral.
Blanchet, du Bloc Québécois, a déclaré que la Loi sur le multiculturalisme canadien ne devrait pas s’appliquer au Québec, principalement en raison des préoccupations et du désir de protéger la langue et la culture du Québec. Lors du débat des chefs du 7 octobre, M. Blanchet a défendu le projet de loi 21 du Québec et a ajouté que le Québec n’avait pas besoin que les politiciens fédéraux lui disent « quoi faire ou ne pas faire en ce qui concerne ses propres valeurs. »
Selon sa plateforme, le Parti populaire du Canada s’engage à « abroger la Loi sur le multiculturalisme et à supprimer tout financement destiné à promouvoir le multiculturalisme. Il mettra plutôt l’accent sur l’intégration des immigrants dans la société canadienne. »
Lutte contre la haine en ligne et renforcement de l’inclusion
Les Libéraux s’engagent à « lutter contre l’extrémisme violent en ligne » en exigeant que les plateformes de médias sociaux suppriment le contenu illicite, y compris les propos haineux, dans les 24 heures suivant leur publication, sous peine d’encourir des pénalités financières importantes. Pour lutter contre le racisme hors ligne, les Libéraux s’engagent à renforcer la Stratégie de lutte contre le racisme en doublant son financement, à augmenter le financement d’initiatives communautaires visant à promouvoir l’inclusion et à combattre le racisme, ainsi qu’à améliorer la qualité et la quantité des données réunies au sujet des crimes haineux. Ils vont également « augmenter les investissements dans le Centre canadien pour l’engagement communautaire et la prévention de la violence. »
Les Néo-démocrates s’engagent eux aussi à lutter contre toutes les formes de haine et de racisme. Ils promettent de « réunir un groupe de travail pour lutter contre la haine en ligne, protéger la sécurité publique et s’assurer que les plateformes de médias sociaux soient responsables d’éliminer les contenus haineux et extrémistes avant que ceux-ci n’aient la chance de faire du mal ». Sous un gouvernement néo-démocrate, toutes les grandes villes disposeront d’unités spécialisées dans les crimes motivés par la haine au sein des services de police locale.
Le Parti vert s’engage à protéger les minorités contre la discrimination, un élément essentiel d’une économie verte. Les verts s’engagent à réglementer Facebook, Twitter et les autres plateformes de médias sociaux pour s’assurer que seules de vraies personnes, à l’identité vérifiable, puissent publier sur ces plateformes.
Le Parti conservateur et le Parti populaire du Canada basent tous deux leurs positions respectives sur la nécessité de protéger « la liberté d’expression » et favoriseront des politiques et des mesures législatives visant à protéger la liberté de parole au Canada. Dans sa plateforme, le Parti populaire du Canada insiste sur « la protection des Canadiens contre la censure ». Les Conservateurs s’engagent de leur part à présenter un projet de loi sur la responsabilisation en matière de cyberintimidation qui interdirait l’utilisation d’un téléphone ou d’Internet pour menacer ou justifier l’automutilation.
Citoyenneté active
Certains partis ont proposé des investissements qui encouragent la citoyenneté active et la participation dans les domaines des arts et de la culture, s’alignant ainsi avec les priorités de l’ICC — et peut-être même s’inspirant de notre programme culturel et application Canoo. Le gouvernement libéral a annoncé la promesse d’un laissez-passer culturel, d’un crédit de 200 $ pour permettre aux enfants de 12 ans et plus d’avoir accès aux théâtres, musées, galeries d’art, ateliers et à d’autres lieux culturels qui présentent du contenu canadien local. Les Conservateurs ont déclaré qu’ils élimineront les frais d’admission à tous les musées nationaux pour tous les Canadiens, ainsi que les touristes.
Plutôt que d’éliminer les frais d’admission ou de promettre des crédits d’impôt pour les particuliers, le NPD et le Parti vert promettent des investissements dans les institutions artistiques et culturelles, dans les médias ainsi que dans les maisons de production artistiques et culturelles. Par exemple, dans sa plateforme, le NPD s’engage à mettre en place l’étalement du revenu imposable pour les artistes et les travailleuses et travailleurs du secteur culturel. Le Parti vert s’engage à « augmenter le financement pour tous les organismes artistiques et culturels du Canada, y compris pour le Conseil des arts du Canada, l’Office national du film et Téléfilm Canada. »
L’Institut pour la citoyenneté canadienne encourage tous les citoyens canadiens à consulter la plateforme électorale complète de chaque parti et à faire entendre leur voix le 21 octobre!
L’élection fédérale arrive à grand pas! C’est votre chance de vous prononcer sur les décisions qui auront une incidence sur votre vie. Voici tout ce que vous devez savoir pour exprimer votre vote le 21 octobre 2019!
S’inscrire pour voter
Il n’est pas nécessaire d’être inscrit·e à l’avance pour voter! Si vous n’êtes pas inscrit·e à l’avance, vous pourrez le faire à votre bureau de vote lors du jour de l’élection, soit le lundi 21 octobre.
Où voter
– Si vous vous êtes inscrit à l’avance, vous aurez déjà reçu une carte d’information de l’électeur par la poste, vous indiquant où et quand vous pouvez voter.
– Si vous ne vous êtes pas inscrit à l’avance, renseignez-vous auprès du Service d’information de l’électeur pour connaître où se situe votre bureau de vote
Quand voter
– Votez au bureau de vote qui vous est assigné le lundi 21 octobre. Les bureaux de vote seront ouverts pendant 12 heures. Consultez le site Web d’Élections Canada pour connaître les heures de vote dans votre province.
Ce dont vous avez besoin pour voter
Pour voter à l’élection fédérale, vous devez prouver votre identité et votre adresse. Voici trois façons de le faire :
– Présentez votre permis de conduire ou toute autre carte délivrée par un gouvernement canadien (fédéral, provincial/territorial ou local) avec votre photo, nom et adresse actuelle
– Présentez deux pièces d’identité. Les deux pièces d’identité doivent porter votre nom et au moins l’une d’elles votre adresse actuelle. Exemples : carte d’information de l’électeur et état de compte bancaire, ou facture d’un service public et carte d’identité d’étudiant. Consultez la liste complète des pièces d’identité acceptées pour cette option.
– Si vous n’avez pas de pièce d’identité, vous pouvez tout de même voter! Vous devrez établir votre identité et votre adresse par écrit et demander à une personne qui vous connaît et qui est inscrite à votre bureau de vote d’être votre répondant. Le·la répondant·e doit prouver son identité et son adresse.
Assistance pour voter
– Pour plus de renseignements sur les outils et les services disponibles pour vous faciliter le vote, consultez le site Web d’Élections Canada
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